Déclaration liminaire - FSR exceptionnelle du 30 oct 2025 / Prévention des actes suicidaires
18 suicides, 18 tentatives de suicides connues (plus proches de 200 si on en croit les statistiques de 10 TS pour 1 suicide) à ce jour pour 2025 à la DGFiP ! Rapportés au nombre d’agents, ces chiffres font déjà de l’année 2025 un triste record !
La chambre criminelle de la cour de cassation a défini le 25 janvier 2025 le harcèlement moral institutionnel comme « des agissements visant à arrêter et mettre en oeuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés afin de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation, susceptible de porter atteinte aux droits ou à la dignité de ces salariés et d’altérer leur santé physique ou mentale, ou de compromettre leur avenir professionnel. » (décision France Telecom).
Des députés nous ont récemment interrogés sur l’appréciation que nous portons sur votre plan de prévention, corroborant d’ailleurs notre comparaison avec France Telecom.
Sur les 6 grandes familles de risques psychosociaux, la CGT Finances publiques affirme sans aucune hésitation que la DGFiP en coche malheureusement au moins 5 :
👉 Exigences du travail,
👉 Manque d’autonomie,
👉 Rapports sociaux dégradés,
👉 Conflits de valeurs,
👉 Insécurité socio-économique (pour le manque de reconnaissance).
La 6ème famille, -l’exigence émotionnelle (notamment la gestion des émotions et exposition à la souffrance)- ne touche pas tous nos collègues, mais concerne notamment les agent·es en RH, les agents de prévention ou ceux recevant du public, qui peuvent en être victimes.
Si les mesures que vous nous présentez, qui consistent essentiellement en adaptations de mesures existantes ou oubliées, ne sont pas des contre-sens, elles sont extrêmement loin de répondre aux besoins qu’exige la situation. Vous vous préoccupez de traiter le mal-être des agents afin d’éviter le passage à l’acte, mais que faites-vous pour juguler les raisons de ce mal-être ? De là à penser que c’est surtout votre condamnation pénale que vous cherchez à éviter, il n’y a qu’un pas !
Dans ce plan, où est la prévention la plus efficace, la prévention primaire ?
Aucun arrêt des suppressions d’emplois ; au contraire, elles repartent à la hausse cette année alors même qu’une pause nous avait été promise. L’année blanche pour geler nos droits, pas de soucis, mais pour arrêter la machine infernale, c’est autrement compliqué pour l’administration employeuse ! Pire 2026 est la fin de la mise en place du 1er NRP, et déjà des directeurs annoncent dans les CSAL ou FSL des NRP2 ou post NRP avec des ajustements visant à supprimer les antennes provisoires, les antennes pérennes, les services départementalisés et autres suppressions dont vous avez le secret.
Rien dans ce plan ne concerne les règles de gestion, par exemple sur les nouvelles règles d’affectation des A, qui privent quasiment l’agent de tout choix dans son affectation, hormis géographique.
Or, notre administration a un champ de compétence particulièrement vaste et technique. Pouvoir rejoindre un département après plusieurs années, mais le « payer » par une affectation sur un poste dont on ne connaît pas la matière n’est pas chose aisée et peut nuire gravement aux conditions de travail (et à la qualité du service rendu). Ces mesures nouvelles, qui modifient les règles de gestion existantes, qui garantissaient un traitement équitable des agents, ne sont pourtant pas nécessaires ; elles ne découlent pas directement des suppressions d’emplois, mais correspondent à une volonté politique de s’attaquer au statut des fonctionnaires. Une véritable volonté de lutter contre les suicides vous ferait faire marche arrière sur cette question, qui est de votre seul ressort.
Où en êtes-vous dans la nécessaire création d’un applicatif RH permettant de disposer des données relatives aux enquêtes ? Vous engagez-vous à en élaborer un ?
Que faites-vous contre la destruction des collectifs de travail, l’individualisation du travail, des salaires, des carrières et la mise en place de logiciels structurant l’organisation du travail, mais trop souvent indisponibles et présentant de lourds dysfonctionnements ?
Qu’attendez-vous pour rapprocher les services des ressources humaines des personnels afin de réhumaniser les liens ?
Allez-vous enfin bannir « la courbe du deuil » et autres pseudo-concepts délétères des formations pour « managers » ?
Qu’avez-vous demandé au ministère comme moyens supplémentaires pour la médecine de prévention ? Comptez-vous recruter un ou des psychologues ?
Qui plus est, vous persistez à distinguer dans vos tableaux statistiques sur les actes suicidaires les « motif personnel », « motif professionnel » et « motif mixte », alors même que cette distinction est extrêmement difficile, et même quasiment impossible, car ces motifs sont en général imbriqués. Quand un·e agent·e en instance de divorce se suicide, qui peut dire que ce divorce n’est pas en grande partie dû à ses conditions de travail, qui l’ont tellement impacté·e qu’il ou elle en a perdu sa bonne humeur, son dynamisme, sa patience, etc, jusque dans sa sphère privée ?
👉 Vous mettez sous pression les agents à coup de suppressions d’emplois, de manques d’effectifs réels disponibles, d’une doctrine managériale de plus en plus déshumanisée,
👉 Vous les livrez aux colères et au fonctionnaires-bashing des usagers qui s’exaspèrent face au manque de moyens et de présence des services publics,
👉 Vous les privez de toute possibilité d’intervention sur leur travail et leurs missions,
👉 Vous les privez de toute visibilité sur leurs affectations et leurs carrières,
👉 Vous les privez de projection dans l’avenir, de stabilité avec des réformes, des restructurations, des suppressions de services, des transferts de missions en permanence,
👉 Vous les privez maintenant de leurs espaces de travail avec la généralisation du sans bureau et la densification des surfaces qui, faute de moyens financiers, se font sous forme de flex-office low-cost au détriment des conditions de travail qui deviennent indignes.
Et, cerise sur le gâteau, nos salaires et pensions sont gelés et nos droits à la retraite dans le collimateur du pouvoir politique !
On ne peut pas parler aujourd’hui de plan d’action pour lutter contre les suicides sans évoquer globalement l’ensemble de ces points.
La CGT Finances publiques avait demandé la construction d’un plan d’action immédiat de prévention des actes suicidaires.
Le plan d’action présenté ne dispose pas de budget ni des moyens nécessaires pour mener une politique efficace.
Aujourd’hui nous demandons la constitution d’un observatoire interne des suicides composé de la communauté des préventeurs, dont les représentants du personnel à la FSR, et d’acteurs administratifs opérationnels, qui permettra de faire une analyse et un suivi de chaque suicide et des mesures qui auront été prises dans le cadre du plan d’action, comme des particularité des territoires pour permettre collectivement d’identifier des freins, des bonnes pratiques et des éléments d’actualisation.
Il semble urgent en préalable que vous vous engagiez à cesser les suppressions d’emplois, qui entraînent mécaniquement une intensification du travail, cesser la densification des surfaces, qui potentialisent les nuisances spatiales et les tensions organisationnelles, cesser le management désincarné par objectifs, qui est par nature pathogène, cesser les restructurations (NRP et ses suites), les transformations du travail et la mise en place du numérique à tout prix, mais surtout que les personnels et leurs représentants puissent gagner un réel pouvoir d’intervention sur leur travail pour en faire un lieu d’émancipation et non un cauchemar perpétuel.
En l’état actuel de ce plan, ne comptez pas sur la CGT Finances publiques pour approuver vos propositions, largement insuffisantes. En effet, vous vous limitez selon nous à une obligation de moyens fournis principalement par le SG et son réseau de préventeurs sans assurer votre obligation de résultat en matière de santé physique et mentale et de conditions de travail et d’organisation du travail.