CONTRÔLE FISCAL : Un satisfecit qui cache une réalité moins triomphante
Le bilan 2024 de lutte contre toutes les fraudes, paru le 14 mars 2025, fait état de 16,7 Md€ de droits et pénalités notifiés à des particuliers ou à des entreprises en 2024 à la suite d’un contrôle fiscal, un doublement sur les cinq dernières années et en hausse de 10 % par rapport à 2023. (Les droits et pénalités notifiés à l’issue de contrôles fiscaux externes ont augmenté de plus de 12 % et s’établissent à 9,3 Md€ ; les progressions sont particulièrement marquées pour les droits d’enregistrement (+45,9 %), l’impôt sur les sociétés (+32,8 %) et la TVA (+15 %) ; − les droits et pénalités notifiés à l’issue de contrôles sur pièces augmentent quant à eux de 6,9 % et s’élèvent à 7,4 Mds€ ; cette hausse est la plus marquée en matière d’impôt sur les sociétés (+23,4 %), de TVA (+21,6 %) et de droits d’enregistrement (+16, %).
Les chiffres, c’est bien, l’honnêteté intellectuelle serait la bienvenue aussi…
Comparer 2025 à 2020, il fallait oser, le gouvernement l’a fait. Strictement aucune référence à l’année Covid (qui était quand déjà ? Ah ben 2020 !).
Si les droits et pénalités notifiés progressent (l’inflation explique une partie de cette augmentation), les encaissements progressent beaucoup moins et l’écart se creuse chaque année un peu plus entre les montants mis en recouvrement et ceux effectivement recouvrés (94,5 % en 2020, mais 68,5 % en 2024). Si les recouvrements concernent en partie des sommes dues suite à redressements des années antérieures, cela ne justifie en rien un écart aussi important, ni son creusement.
Le gouvernement se congratule ensuite dans le même bilan de lutte contre les fraudes du fait que la modernisation du contrôle fiscal se poursuit avec un recours accru au ciblage par l’intelligence artificielle (IA). Ces travaux de data-mining ont permis la mise en recouvrement de 2,5 Md€ de droits et pénalités en 2024, soit 400 M€ de plus qu’en 2023.
Manque de chance, « Cash investigation » est passé par là (émission diffusée sur France 2 le 10 avril 2025) ; il était question de l’IA, et notamment de son utilisation et de son rendement au sein de la DGFiP.
Et là, on ne va pas se mentir, la DGFiP n’en est pas sortie grandie ; la ministre non plus d’ailleurs.
Taux de pertinence du data-mining, dossiers ciblés, rendement fiscal, les réponses sont restées vaseuses, presqu’autant que lorsqu’ils répondent aux élus du personnel...
Avec une communication digne d’une ministre, la ministre déléguée a expliqué que le data-mining n’était qu’un point d’entrée à un contrôle, que rien ne remplaçait le travail de terrain des agents, ni le travail de l’humain.
C’est soit méconnaître le fonctionnement de la DGFiP, soit un mensonge.
En effet, le recours au data-mining se fait à marche forcée, avec l’obligation que 50 % des contrôles soient issus de listes de data-mining, quitte à faire rentrer des ronds dans des carrés pour comptabiliser l’origine des dossiers, dont une partie est faussement attribuée au da ta-mining…
La CGT Finances publiques constate également que les mesures de simplification interne ont asséché les circulations d’information et de recoupement entre les différents services, alors même que le contrôle repose sur la recherche de ces informations et leur assemblage.
En revendiquant avoir créé 780 emplois les 3 dernières années (et pas uniquement pour le contrôle fiscal), la ministre oublie les plus de 3 000 suppressions d’emplois qui ont touché ces dernières années les services de contrôle fiscal et les restructurations qui éloignent les agents du terrain (suppression des Pôles contrôle et expertise, plate-formes de Contrôles sur pièces à distance des particuliers et professionnels, etc ...).
Enfin, le bilan de lutte contre les fraudes évoque la relation de confiance entre l’administration et le citoyen, expliquant que les régularisations en cours de contrôle représentent près de 52,3 % des contrôles sur pièces.
Autrement dit plus de la moitié des contribuables pris la main dans le sac ont généreusement pu « régulariser » leurs déclarations, échappant ainsi à une partie non négligeable des pénalités dues en cas de fraude.
Le nombre de transactions avant mise en recouvrement augmente légèrement (+13,5 %).
Il s’agit ici de contribuables s’engageant à payer leur dû et renonçant à tout contentieux.
En conclusion, on a d’un côté un gouvernement qui cherche des économies et de l’autre des contrôles fiscaux reposant sur des croisements de données peu efficaces et des suppressions massives d’emplois accompagnées de restructurations incessantes détériorant les circuits d’informations…
Pour la CGT Finances publiques, il est urgent de réinjecter des emplois (d’humains, ça devrait plaire à la ministre) dans le contrôle fiscal, et plus largement dans l’ensemble des services de la DGFiP, qui ont perdu quasiment 1/3 d’effectifs en 10 ans et de réimplanter des services sur l’ensemble du territoire pour couvrir tous les champs de la fiscalité.
Quant aux économies à réaliser, nous proposons au contraire au gouvernement d’augmenter les recettes, notamment par une hausse de l’impôt sur les sociétés désormais de 25 %, et qu’il soit payé à la même hauteur par les entreprises du CAC 40 (actuellement imposées en moyenne à 7 % par l’application de règles fiscales favorables).